Le maire, le préfet et les débits de boissons

Qui n’a déjà vu dans un débit de boissons la fameuse plaque en métal attestant que l’établissement disposait de la licence IV lui permettant de vendre de l’alcool sur place ? Cette plaque témoigne de l’existence de longue date d’un encadrement des modalités de vente d’alcool sur le territoire français.

Cette réglementation, relevant essentiellement du code de la santé publique, a pour objet de répondre aux problématiques de santé publique et d’ordre public que soulève la consommation d’alcool. La vente d’alcool est ainsi soumise à l’obtention préalable de licences de différentes natures selon les boissons vendues et les modalités de cette vente.

Les exploitants souhaitant ouvrir des débits de boissons doivent donc s’enquérir en amont des formalités préalables à l’ouverture de leurs établissements en application de la réglementation nationale. Toutefois, il leur faut également vérifier l’existence éventuelle d’arrêtés adoptés localement par les maires ou les préfets afin d’édicter des règles propres à certaines villes ou départements en matière de vente d’alcool.

Les autorités locales disposent en effet d’un pouvoir de police en la matière, dont elles usent régulièrement. Cela est d’autant plus vrai en matière de vente d’alcool à emporter, eu égard aux enjeux spécifiques qu’elle soulève en matière de consommation sur la voie publique. Il en résulte souvent des réglementations locales plus restrictives qui peuvent impacter substantiellement l’activité des établissements concernés.

Les pouvoirs de police des exécutifs locaux en matière de vente d’alcool

Rappelons que le maire dispose d’un pouvoir de police générale en application de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques dans sa commune. A Paris, ces pouvoirs sont exercés par le préfet de police.

Le préfet peut être amené à se substituer à un maire défaillant en adoptant les mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques sur le territoire d’une seule commune dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par l’autorité municipale, sous réserve d’une mise en demeure préalable restée sans résultat (CGCT, art. L. 2215-1, 1°).

Le préfet dispose par ailleurs de pouvoirs de police généraux lorsqu’il s’agit de prendre les mesures relatives à l’ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dont le champ d’application excède le territoire d’une commune (CGCT, article L. 2215-1, 3°). Le préfet est donc l’autorité compétente pour adopter une mesure de restriction de la vente de boissons alcooliques concernant l’ensemble du département ou plusieurs communes d’un même département.

L’exercice par ces autorités administratives de leurs pouvoirs de police en matière de débits de boissons est soumis à des conditions de légalité régulièrement rappelées par le juge.

Les conditions de légalité des arrêtés de police réglementant la vente d’alcool

Qu’elle émane du maire ou du préfet, la mesure de police n’est légale que si elle est nécessaire. Le juge contrôlera ainsi son adéquation avec le trouble auquel elle est censée mettre fin. Ainsi, les mesures prises ne doivent pas présenter de caractère général et absolu, c’est-à-dire sans limitation dans le temps ou dans l’espace, sous peine de porter une atteinte excessive au principe de la liberté du commerce et de l’industrie.

La jurisprudence en la matière est pléthorique. Elle met en évidence la constance du contrôle exercé par le juge sur ces mesures de police et l’importance, pour l’adoption de telles mesures, de justifier précisément les circonstances particulières locales imposant leur mise en œuvre (voir, pour une mise en perspective, l’annulation d’un arrêté préfectoral confirmée par le juge – CE, 3 juillet 1992, Société Carmag, n° 120448 – et le rejet d’une requête en annulation contre un arrêté préfectoral – CE, 3 mars 1993, S.A. Carmag, n° 116550).

Exemples de réglementations locales en matière de vente d’alcool

Les exemples ne manquent pas sur le territoire français d’arrêtés municipaux ou départementaux encadrant les conditions de vente d’alcool.

  • Ainsi, dans le département de la Gironde, les horaires d’ouverture des débits de boissons et restaurants sont réglementés par un arrêté du 30 avril 2012. Des conditions plus restrictives sont toutefois prévues concernant la vente d’alcool à emporter dans les communes de Bordeaux, Cenon, Gradignan, Pessac et Talence en application d’un arrêté préfectoral du 24 octobre 2012.

  •  A Lille, la maire a adopté le 24 juin 2022 un arrêté relatif aux horaires de fonctionnement des établissements titulaires de licence de vente à emporter et à la vente à emporter de boissons alcoolisées (arrêté municipal n° 6353).

  •  A Lyon, un arrêté municipal du 16 juin 2021 interdit sur le territoire de la ville la vente à emporter de boissons alcooliques entre 21h et 6h du matin (réf. 47040 – 2021 – 01).

L’accès à ces arrêtés n’est pas toujours aisé et implique des recherches au cas par cas selon le territoire concerné. Les sites internet des préfectures régionales ou départementales comportent généralement une rubrique dédiée à la réglementation des débits de boissons, et qui répertorie les arrêtés préfectoraux en la matière. Les exploitants cherchant des informations à ce sujet pourront également contacter directement les services préfectoraux afin de s’assurer auprès d’eux des restrictions existantes en la matière. Néanmoins, il conviendra également de rechercher pour chaque commune sur le territoire desquelles la vente d’alcool est envisagée si des arrêtés de police municipaux ont été adoptés.

On le voit donc, tout exploitant d’un débit de boissons doit s’enquérir, avant toute installation, de la réglementation applicable à son activité, en veillant à ne pas s’arrêter à la première couche du millefeuille réglementaire.