Les contrats de performance énergétique à tiers financement - Synthèse raisonnée de la rencontre organisée par l'IGD le 11 octobre 2023 (Seconde partie)

Risques propres aux contrats de performance énergétique

Les contrats de performance énergétique ne permettent pas le transfert de la maîtrise d’ouvrage. Si cette donnée permet de réduire les coûts associés, pour certaines personnes publiques elle pourra se révéler bloquante en posant la question du portage de cette maîtrise d’ouvrage. En effet, le portage de la maîtrise d’ouvrage par les personnes publiques fait peser sur elles les responsabilités (et donc les risques) associées. Les personnes publiques conservent ainsi la responsabilité des prescriptions. Elles doivent donc contrôler et gérer les interfaces entre les différents intervenants et ce, sur une durée assez longue. Cette mission implique donc des équipes susceptibles de rester longtemps dans la fonction de maîtrise d’ouvrage et de portage de projet. Ce n’est pas le moindre enjeu pour les personnes publiques.

Le portage de la maîtrise d’ouvrage implique également, de la part des personnes publiques, des équipes expertes. Les contrats à performance énergétique impliquent en effet la mise en place d’un bouquet de solutions permettant un mix énergétique qui nécessite plus d’expertise et de suivi. La technicité des projets concernés implique une concertation maximale avec le secteur privé pour apporter, suppléer ou compléter cette compétence technique.

La question de l’évaluation préalable opposable juridiquement sur les seules évaluations extra-financières soulève également des risques spécifiques. L’évaluation préalable doit être orientée vers la question de l’efficacité et la performance énergétiques qui restent les principaux objets de cette nouvelle catégorie de contrat. Le décret d’application prévoit néanmoins cinq critères d’appréciation, lesquels peuvent donner lieu à des sous-critères et des critères complémentaires. Ces critères portent sur des objectifs de performance énergétique, mais aussi sur les économies de gaz à effet de serre, l’analyse des risques et leur répartition entre le titulaire et la personne publique, la structure de financement et son coût, la mutualisation et ses effets, le cas échéant. L’appropriation de cet outil d’évaluation préalable se fera dans le temps. L’on voit mal néanmoins comment la question des coûts ne serait pas structurante. En effet, le surcoût résultant du recours à un préfinancement privé par rapport à un préfinancement public devra être justifié dans l’évaluation préalable. Cette dernière devra présenter en quoi le recours au tiers financement est nécessaire pour faire bénéficier le projet d’une valeur compensant ce surcoût brut. Le législateur semble souhaiter développer une nouvelle façon d’analyser la performance du tiers financement, en fondant cette appréciation sur un ensemble d’avantages et d’inconvénients, et non uniquement sur le coût global, sans qu’un critère prenne le pas sur les autres.

La définition du contenu des opérations de rénovation énergétique soulève, elle-aussi, des risques qui devront être clarifiés avec le temps. En effet, les enjeux d’une opération de rénovation ne sont jamais seulement énergétiques.

Par ailleurs, le recours à ce type de contrats impose des regroupements, qu’ils soient institutionnels ou bâtimentaires. Il faut attendre une certaine masse de projets pour que le recours à un contrat de performance énergétique ait du sens. A cet égard, les groupements de commandes et autres centrales d’achat peuvent apporter une réponse utile à cet enjeu.

S’agissant de l’impact budgétaire des contrats de performance énergétique, si le recours à ce type de contrat permet de diminuer la section d’investissements, il alourdit la section de fonctionnement qui est souvent la plus compliquée à équilibrer (d’autant plus dans le contexte de la hausse des taux). Néanmoins, il ne faut pas minimiser l’impact positif – à terme (lors du paiement des loyers par la personne publique) – qu’une opération de rénovation énergétique a sur la section de fonctionnement, les économies d’énergie venant amortir les autres coûts.

Le recours aux contrats de performance énergétique

La première étape pour une personne publique est de s’interroger sur sa stratégie patrimoniale, c’est-à-dire avoir une idée de son patrimoine, des objectifs à atteindre, et de ce qu’il convient de faire pour atteindre ces objectifs. Une fois cette stratégie patrimoniale établie, il faut définir une stratégie budgétaire et financière en adéquation pour l’accompagner. Il y a donc une étude de ‘pré-opportunité’ à mener pour établir un bilan de la situation financière de la personne publique, des bâtiments détenus et des actions à mener afin de déterminer les outils à mobiliser.

Si le recours à un contrat de performance énergétique semble justifié, sa passation se fera en deux temps :

  1. Phase préalable : réalisation de l’évaluation préalable (étude préalable et étude de soutenabilité budgétaire).

  2. Procédure de passation : recours aux procédures classiques (appel d’offres, dialogue compétitif, procédure négociée). Au regard des caractéristiques du montage, les conditions du recours au dialogue compétitif ou à la procédure négociée semblent assez facilement satisfaites. Il est important de bien préparer en amont la procédure de passation : l’argent investi pour cette préparation permettra de gagner beaucoup de temps (donc d’argent) pour mener la procédure à son terme.

Un des enjeux de la passation de ce type de contrat est d’optimiser les procédures pour accélérer mais aussi industrialiser le processus (par exemple, en utilisant des contrats-type).

La question du coût du financement est au cœur de ce type de contrats. Pour réduire les coûts, les options prises pas les personnes publiques lors du lancement des appels d’offres sont déterminantes. Ainsi, la mutualisation et la massification sont des données clés : les coûts de financement sont globalement réduits par l’atteinte d’une taille critique minimum. Il faut donc créer un portefeuille de projets pour créer des économies d’échelle. De même, le choix d’autoriser ou non un financement de type Dailly devra être tranché avant l’appel d’offres, au regard de son impact sur les conditions de financement par le partenaire privé. La personne publique doit déterminer si elle souhaite conserver une dette projet majoritaire ou non (la dette projet étant la dette à laquelle la personne publique peut opposer en tout ou partie des exceptions via des pénalités ou des indemnités qui viennent réduire le loyer).

Il faut distinguer les enjeux de la constitution des tels portefeuilles de projets selon la configuration observée :

  1. Soit la personne publique gère de grands ensembles immobiliers : la question qui se pose alors est de trouver un contrat unique pour gérer des ensembles immobiliers hétérogènes en vue de leur rénovation énergétique. L’enjeu est alors d’élaborer un contrat flexible.

  2. Soit la personne publique est de plus petite taille et ne peut recourir seule au tiers financement : il lui faut alors se grouper avec d’autres personnes publiques, par exemple à travers un syndicat, ce qui implique de réfléchir en amont à la répartition des obligations entre membres du syndicat. En cas de recours à un syndicat, la bancabilité du syndicat dépendra de sa structuration : il faut que les banques puissent comprendre son fonctionnement et considérer sa surface financière comme suffisante.

La mutualisation est également envisageable pour les partenaires privés (industriels ou fonds d’investissement) qui regardent ce contrat avec intérêt. Des sociétés communes peuvent être créées pour porter plusieurs projets et mutualiser ainsi des contrats de construction et/ou de maintenance. La mutualisation de tels contrats pose en premier lieu la question du caractère fixe ou non des prix sur la durée du contrat. A ce titre, certains industriels pourront accepter d’assumer le risque (sous réserve d’une clause d’indexation). Dans le cas contraire, il faudra recourir à des contrats-cadre avec des sous-contrats adaptés selon les projets envisagés.

L’optimisation du coût financier des contrats de performance énergétique peut être poursuivie par l’activation d’un ou plusieurs leviers suivants :

  1. L’apport de subventions ou d’avances sur loyer peut être envisagé à plusieurs étapes du projet. Cela permet de diminuer l’assiette de financement externe, donc le coût du projet.

  2. La mobilisation par le partenaire privé de capitaux propres (equity) pour le financement du contrat permet une meilleure répartition du risque car, pour sa part, la personne publique conserve les risques liés à la maîtrise d’ouvrage. A cet égard, le niveau de pénalités supportées par le partenaire privé aura un impact sur son appréciation de la rentabilité des fonds propres. Ainsi, le ratio dette/fonds propres pourra être maximisé dans ce type de contrat.

  3. S’agissant de la dette bancaire, la possibilité de mettre en place un financement de type Dailly pourrait se révéler utile, si la personne publique le permet. Les banques analysent en effet alors la contrepartie publique et non le projet, et le financement bancaire est alors obtenu dans des conditions proches de celles dont la personne publique dispose.

  4. La rédaction des clauses de résiliation (par exemple, prise en compte de l’encours de la dette).


J. de Bréon

Julie de Bréon