Contrat de performance énergétique et paiement différé

Tiers financement et rénovation énergétique

L’Union européenne s’est fixé un objectif contraignant de neutralité climatique dans l’Union d’ici à 2050 en vue de respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris (Règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021, dit « Loi européenne sur le climat », art. 1er).

Un des leviers majeurs à actionner pour atteindre cet objectif réside dans la rénovation énergétique des bâtiments et, parmi ceux-ci, des bâtiments publics. Les bâtiments appartenant à l’Etat et aux collectivités locales représentent en effet environ 400 millions de m², selon le Sénat (rapport n° 321).

Afin de soutenir les investissements des collectivités publiques dans ces travaux, le législateur vient d’adopter une proposition de loi permettant d’assouplir les conditions de financement des marchés globaux de performance : la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.

Contrats de performance énergétique et commande publique

Le contrat de performance énergétique (CPE) ne constitue pas à proprement parler un contrat de la commande publique.

La directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique le définit comme un accord contractuel entre le bénéficiaire et le fournisseur d’une mesure visant à améliorer l’efficacité énergétique, vérifiée et surveillée pendant toute la durée du contrat, aux termes duquel les investissements (travaux, fournitures ou services) dans cette mesure sont rémunérés en fonction d’un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique qui est contractuellement défini ou d’un autre critère de performance énergétique convenu, tel que des économies financières (art. 2).

En droit interne, cette définition est inscrite dans un arrêté du 24 juillet 2020 relatif aux CPE (art. 1er).

Un CPE peut donc être conclu par un maître d’ouvrage public ou un maître d’ouvrage privé, que celui-ci soit soumis ou non à des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables en application du code de la commande publique (CCP).

Lorsqu’ils souhaitent conclure un CPE, les maîtres d’ouvrages soumis au CCP s’interrogent généralement sur l’opportunité de conclure un CPE sous la forme d’un marché global de performance ou d’un marché de partenariat.

Au-delà des conditions de recours, une des principales différences entre ces deux catégories de contrats réside dans l’application – ou non – de l’interdiction du paiement différé.

Marché de partenariat et marché global de performance

L’Etat, ses établissements publics, les collectivités locales et leurs établissements publics sont soumis à l’interdiction des clauses prévoyant un paiement différé dans le cadre des marchés publics qu’ils concluent (CCP, art. L. 2191-1 et L. 2191-5). Cette règle n’est pas applicable aux autres acheteurs, à l’instar des sociétés privées contrôlées par des personnes publiques.

Cette règle s’applique aux marchés publics des collectivités qui y sont soumises, y compris aux marchés globaux de performance qui dérogent à l’obligation d’allotir. Le marché global de performance est un marché public qui associe l’exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance. Ces objectifs sont définis notamment en termes de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique. Il comporte des engagements de performance mesurables (CCP, art. L. 2171-3).

En revanche, l’interdiction du paiement différé ne s’applique pas aux marchés de partenariat. Lorsqu’un acheteur conclut un tel contrat global, il doit confier au titulaire tout ou partie du financement de la mission prévue par le contrat (CCP, art. L. 1112-1). Les conditions de recours au marché de partenariat sont strictes. L’acheteur doit notamment démontrer que le recours à cette forme contractuelle présente un bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, par comparaison avec les autres formes de marchés publics. La loi précise expressément que le critère du paiement différé ne saurait à lui seul constituer un avantage dans le cadre de ce bilan (CCP, art. L. 2211-6).  

Lorsque les collectivités publiques envisagent de conclure un CPE, il n’est pas toujours facile de démontrer que les conditions de recours au marché de partenariat sont satisfaites et la rigidité de ce contrat peut dissuader les collectivités d’y avoir recours. Elles ne peuvent en revanche demander à leur cocontractant de participer au financement lorsqu’elles concluent un marché global de performance.

Ouverture du tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités locales

Afin d’inciter les collectivités à investir pour la rénovation énergétique de leurs bâtiments, le Parlement avait adopté, dans le cadre de la discussion relative au projet de loi de finances pour 2022, un amendement du Gouvernement ayant pour objet de permettre à l’Etat, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements de déroger à titre expérimental à l’interdiction du paiement différé. Ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel en tant qu’elles ne trouvaient pas leur place dans une loi de finances, c’est-à-dire en tant que « cavalier budgétaire » (Cons. Const., 28 déc. 2021, Loi de finances pour 2022, n° 2021-833 DC).

A la suite de cette première initiative, une proposition de loi plus structurée a été déposée à la fin de l’année 2022 afin de permettre cette expérimentation. Cette loi ne se contente pas de permettre aux acheteurs précités de déroger à l’interdiction du paiement différé. Elle fixe un encadrement assez strict prévoyant par exemple la réalisation d’une étude préalable ayant pour objet de démontrer l’intérêt du recours à un tel contrat (art. 2 IV) ou encore une étude de soutenabilité budgétaire (art. 2 V). Il est probable que l’objectif d’assouplissement ait été quelque peu malmené par l’élaboration de cet encadrement.

La liste des règles applicables à ces marchés globaux de performance, qui est inscrite à l’article 2 de la loi (comme le montre les dispositions applicables en cas d’annulation du contrat), laisse augurer de nombreuses interrogations pour les praticiens lors de la mise en œuvre pratique de ces CPE. Au-delà de l’objectif d’assouplissement, c’est également l’objectif de simplification qui était au cœur de la transposition des directives européennes de 2014 et de la codification des règles de la commande publique en 2018 qui est affecté par la création de cette nouvelle catégorie de contrat entre marché global de performance et marché de partenariat.

Rémi Ducloyer